DAVE KELLER: Right Back Atcha (2016)

Tracklist:
01. It's Time You Made Up Your Mind (3:42)
02. 2 Am Talks (3:19)
03. Right Back Atcha (3:41)
04. Deeper Than The Eye Can See (4:46)
05. Forever Summer (4:02)
06. Slow Train (4:02)
07. Circles (6:29)
08. She's Just Katie (4:12)
09. Urgent (I'll Give It All) (3:25)
10. What's It Gonna Take (4:41)
11. Willing To Learn (4:40)
12. You Make It Easy (3:19)

The Dave Keller Band:
Dave Keller: vocals, guitar
Ira Friedman: Hammond B3 organ, piano
Gary Lotspeich: bass
Brett Hoffman: drums

The Mo' Sax Horns:
Jessica Friedman: baritone sax, alto sax
Joe Moore: tenor sax
Terry Youk: C melody sax

Morgan Klarich: backing vocals
April Caspari: backing vocals
Michael Close: cello
Paul Reynolds: violin, viola

Horns arranged by Dave Keller and The Mo' Sax Horns
Backing vocals arranged by Dave Keller
Strings arranged by Michael Close and Dave Keller

Pour succéder à Soul Change, son précédent album à la tonalité sombre en raison de la période difficile que traversait l’artiste (on a pu parler de « l’album du divorce »), et réalisé avec des requins de studio, Dave a décidé de changer complètement son fusil d’épaule en enregistrant avec son groupe de tournée comme base, quitte à rajouter ensuite quelques invités prestigieux comme Joe Moore, qui était sur scène avec Wilson Pickett durant la plus glorieuse époque de la soul à la fin des années 60, et en produisant lui-même l’album. Le résultat donne un disque de soul de facture classique, d’inspiration très fin des années 60/début des années 70, tirant parfois soit sur le funky, soit sur le bluesy mais toujours très agréable à écouter à condition de ne pas le confondre avec l’album des bandes oubliées de Lemmy ! Disons-le tout net, ce Right Back Atcha n’a rien d’un coup de poing énervé, ce qui ne l’empêche pas de swinguer joliment, mais certains trouveront que la part importante réservée aux diverses ballades, par ailleurs réussies, prive l’ouvrage d’une partie de sa dynamique.
L’album démarre par une reprise convaincante du «  It's Time You Made Up Your Mind », titre de Willie Clayton sorti en 1974 qui entame une partie plutôt funky de l’album et qui permet à Joe Moore de commencer son festival. L’ambiance se prolonge grâce à « 2 Am Talks », introduit par les trois saxes, assez punchy, avec toujours ce fond de guitare funky, mais cette fois, la guitare prend un solo très rythmique avec pas mal de « double stops » et un son très acide (quelquefois -est-ce un parti pris ?- le bonhomme semble manquer un peu de souffle en solo…). On continue dans une veine très voisine avec le morceau qui donne son nom à l’album. « Right Back Atcha » se distingue par son intro bonhomme due au sax de Jessica Friedman, sur un motif qu’elle répétera sur les couplets tout au long du morceau, les trois saxes et les chœurs féminins (Morgan Klarich et April Caspari) venant en appui lors du refrain. Le solo de guitare, au son moins acide, penche cette fois plus vers le blues. Changement total d’ambiance ensuite, avec « Deeper Than The Eye Can See » dont l’intro au piano entame le cycle des divers ballades et slows. Le processus de reconstruction de l’artiste se confirme dans ce slow-blues poignant de facture classique, avec chœurs féminins en appui et pont débouchant sur un break, et qui clame la foi de l’artiste en son nouvel amour. Du beau boulot, sous influence Stax (on peut penser au grand Otis), avec quelques cordes inédites sur la fin. Plus rythmé, le morceau suivant « Forever Summer », plein d’espoir et à nouveau branché sur ses nouvelles amours, donne plutôt dans la ballade soul musclée très « sixties », avec orgue bien présent, chœurs en appui mais sans sax pour cette fois… En plein milieu de cette série de quatre morceaux plus sentimentaux, « Slow Train » vient amener son groove soul, toujours sur une construction très classique mais très efficace, avec un tempo intense : guitare à la limite du funky, orgue assez libre, saxes et chœurs qui poussent derrière et un solo très incisif et énergique de Joe Moore. On croit que l’album va redécoller vers des cieux plus turbulents mais l’intro à l’orgue teintée gospel de « Circles » fait resdescendre la pression et nous emmène en formation réduite vers un langoureux slow qui permet à Dave de nous servir un solo de guitare convaincant et expressif, imité peu après par Ira Friedman à l’orgue, toujours dans un registre déchiré. Tout ceci nous amène vers le délicat et poignant « She's Just Katie », là aussi très classique dans sa construction au point où certains pourront s’amuser à repérer des réminiscences de divers morceaux comme « No woman no cry », mais l’ensemble forme une très belle ballade originale. Fin de l’intermède « frotti frotta pour surboums » : l’album repart vers du groovy qui pulse sévère, d’abord avec l’entraînant « Urgent (I'll Give It All) », où Dave se fend d’un solo où il lâche enfin quelques chevaux dans un esprit plutôt blues, puis avec le puissant « What's It Gonna Take » (rien à voir avec Molly!), rempli d’une énergie électrique qui donne envie de se lever ou de taper du pied, bien servi par le chant habité de Dave Keller. L’album se termine par la ballade romantique « Willing To Learn » où on retrouve très présent l’esprit Redding et l’optimiste « You Make It Easy », renouvelant la foi de Dave en son nouveau choix sentimental.
Ce disque n’est probablement pas pour les amateurs de Blackfoot ayant viré au thrash, plutôt pour les nostalgiques de la période Stax de la musique noire admirant la flamboyance et la sensibilité d’un Otis Redding ou les adeptes d’un blues tirant sur la soul à la façon d’un Robert Cray. Il ne révolutionnera certes pas le genre auquel il appartient, pourtant, à chaque écoute, on se surprend à se dire que ce disque est absolument formidable, tellement il sonne juste. Fait un peu à l’ancienne, avec finalement en apparence peu de moyens techniques et d’esbroufe, il n’est plus là pour réjouir les oreilles que pour faire du buzz, mais on peut déplorer qu’un travail tellement abouti, rempli de compos classiques mais très bien construites, ne connaisse pas retentissement plus important. Alors si le style vous a déjà enchanté ou si vous avez envie de le découvrir, jetez-vous sur cet album ciselé par un artiste compétent dont on pourrait dire qu’il signe là l’album de la reconstruction ou de la résurrection. Et puis, j’allais oublier, mais, sans se perdre dans des effets de styles ou d’inutiles trémolos, ce Dave Keller est quand même un p… de chanteur !
Y. Philippot-Degand